20090214

Le dual révélé (par le dual)

La veille alors que je m’étais endormi : mon esprit me promenait dans des contrées de sable et de cristaux d’argent, dans des dunes qui refluaient par vagues sur des siècles dans des échelles de temps où nous n’étions que des insectes, et qui engouffraient sous leur masse en changeant de forme des dédales d’espace pour en révéler d’autres.
Je me souvenais en rêve de ma rencontre avec les jumeaux primordiaux, mais je ne parvenais pas à déchiffrer de mémoire le sens caché de leur néolangage. C’était une phraséologie complexe et codée en mots courts imprononçables, qui contenaient tout entier des foules de paroles fracassés sans verbe ni complément.
Les jumeaux me parlaient depuis le fonds de ma mémoire, ils exprimaient clairement une pensée, mais aussi toutes les interprétations possibles de cette pensée en une seule locution. L’interprétation juste devait pouvoir anticiper les plus minces variations d’intonation dans leur voix, dans l’expression révélée de leurs visages, de leurs gestes et aussi de leur théâtre sacré. Les informations denses s’ajoutaient les unes aux autres à mesure que se déroulaient leurs verbes étranges et je réalisais que je n’avais plus le souffle ni la force nécessaire pour interpréter la quantité immense des informations qui m’étaient révélées.
Sur cette vague de sable qui se déroulait je cherchais alors déjà à reconstruire de mémoire ces échanges tentaculaires, et je sentais le vent du mouvement, moi immobile, m’accompagner depuis l’antérieur sur ce chemin interne.
Le rêve me construisait des souvenirs. Le rêve me révélait une nouvelle structure mentale. Il inventait pour moi toute une aire passée fictive mais qui semblait alors aussi vraie, aussi chargée, que celle qui me composait dans la réalité. C’était une alternative crédible : inventer des souvenirs était la profondeur du champs.
Se souvenir aussi vraiment de quelque chose qui n’existe pas. Un nouveau magma, onirique et cellulaire. Double capacité par cette faculté là.

Exhaustif absolu 3 (La voix)

Brûlant de fièvre et irradiant par tous les pores de ma peau une énergie insoutenable pris de tremblements et les mâchoires contractées, j’avançais sur les chemins de terre, reprenait la voix, avec pour seul bien un sac de toile sur le dos et un chapeau d’explorateur sur le crâne qui m’abriterait du soleil, et mon accoutrement étonnait de loin, je le voyais bien, et les cheveux que je nouais en natte sur le côté m’attiraient des regards curieux mais qui n’osaient pas s’attarder. La nuit, seul, je réalisais que j’étais suivi. Les disciples firent irruption, et le maître fit le diagnostic : j’avais la rage, dans les suites probables d’une chirurgie cornéenne. On confectionna une petite figurine sacrée à mon image et avec laquelle je devais dormir. On récupéra la figurine toute chargée de mon âme. Puis on se saisit d’un clou, que l’on planta au milieu de mon crâne, dans le bois. J’étais une statuette consacrée, et mon corps était mon outil, et mon esprit était cette magie sur laquelle je devais veiller.
J’étais le pouvoir du don qui devait être combattu par un autre don, mais j’étais ainsi très vite démuni. J’apprenais aussi le théâtre des anciens, et la danse qui avait ébloui les dieux des infra mondes, à tel point qu’ils avaient eux même l’impression de danser, et demandaient enfin à être tués afin de mourir et de ressusciter à leur tour mais ils se condamnaient.
Dans les réseaux virtuels, j’étais la théorie du complot et le catastrophisme imminent, et la résonance de la terre qui était de 7.8Hz depuis des milliers d’année se modifiait jusqu’à atteindre 12 Hz, et voilà pourquoi le temps s’accélérait.
Alors je ne parlais plus, et je cherchais la simultanéité et la liberté du temps en réalisant de véritables dessins d’enfant et tout se passait en même temps et tout près.
Plus loin, en sens inverse, à rebours vers le point de départ, lumière ô mon île. O mon île vite. Mon île à rêver. Mon île au large. Alors j’ai plongé, dit la voix. J’étais rentré.

Exhaustif absolu 2 (La voix)

J’étais une pierre homme à plonger au cœur du puits des choses, disait-elle encore, entre deux fontanelles à écouler sang, eau et invisibilité de la pensée en mots, blocs de matière et solitude.
J’étais dépourvu d’emballage. L’orifice vide du monde menaçait moi tout entier devant absence de réceptacle, et par là j’étais plein quand le vide se nourrissait du vide par gorgées de ténèbres et le contenu homme jetait sa chair au néant sans raison – simplicité incompréhensible. C’est ainsi que l’individu disparaît, par désassemblage et luttes d’attractions à mener par cœur : tout est réel, jusqu’à l’os.
J’étais l’ouvrier du drame devenu guide de voyage par un fait extraordinaire.
J’étais constamment en dehors de tout mais relié par la bouche et par la main à la parole et à l’écrit, prié de croire pour aujourd’hui à des proximités pour lesquelles je n’ouvrais pas les yeux et à des nombres qui n’avaient pas de bord, et à compter en nuits.
J’étais lanceur de dés contre celui qui ne pouvait pas perdre et quand eût pris tous mes biens j’y retournais et je perdais moi.
J’étais l’homme aux chiffres et le présent qui passait entre nous je le cotais et j’en faisais des angles d’apparences et je voyais beaucoup de choses sans pouvoir en parler.
J’étais une île, un silence. Parfois je sentais un souffle, comme une voix chuchotée dans la nuque. C’était du vent salé.
La lumière, la lumière. Ô mon île, vite.
Être en vie en vagues. Lumière ô mon île. Mon île à rêver. Vous mon agent secret.

Exhaustif absolu 1 (La voix)

Je flottais entre des concordances de temps mais je n’avais pas de temps, disait la voix.
Puis soudain j’étais le soufre, et la matière constituante du soufre. Au fond depuis les volcans j’étais l’abîme. J’étais gorgé d’une eau bleue turquoise et chargée d’acides. On me faisait sécher sur des rivages de profondeurs, et dans l’épaisse fumée irrespirable des petites mains fragmentaient mon corps en blocs à hisser jusqu’en haut du cratère. Machine bouche à hurler des algues lourdes ininterrompues en vagues à échouer aux pieds de nuits sans lune, machine main à manier la glaise et le vivant jusqu’à décomposition, j’étais la sueur qui recomposait mes partie et le liant, et arrivé en haut j’étais le cri. J’étais né au ciel- la voix continuait.
Au soir, j’étais la séparation des fleuves et des cours d’eau démaquillés de confluents en affluents, et j’étais leurs jeux mêlés sous la surface, dans le lit commun à trier des pépites et à mouvementer les alluvions.
A travers les murs du crâne j’étais les intervalles illuminées et immobiles, clignotants de vibrations de soleils et de lunes, dans de rugissants hivers. J’étais un guerrier aux mouvements de cosmos
J’étais le chantre du langage inverse, à jouer de nouvelles grammaires roulées sans demander rien à personne, avec l’intention d’enlever et de faire disparaître les couleurs, les formes, le volume, l’Espace et le Temps jusqu’à la nudité figure d’homme, mouvement de descente vers le sol des pas frappés où nous irions.
J’étais une séquence un jour par seconde de manière psychiatrique et la coupe du temps s’est remplie de matière humaine et de scènes intentionnelles à boire avant dissolution poussière.

Irrésolutions

Comme la rivière s’écoule aussi passe le temps
Et il est dans ce lit et l’après et l’avant
Comme l’eau retourne à l’eau le présent continue
A la surface des choses des vagues ingénues
Et dans la profondeur des forces d’alluvion
Des courants invisibles et des séparations
Mémoire de l’eau las la mélancolie l’aspire
Cet état qu’il craignait il ne peut que le fuir
Projeter son élan et ses sables mouvants
Chercher à consoler avec un contenant
Arrêter de penser enfin s’abandonner
A ses renoncements dont la raison s’est fait
Autant de lois amères qu’il faudrait respecter
Le rigide est la cause de toute sa liberté
Se fondre dans le décor consentir aux passions
Aimer tout de travers à sa propre façon
Corps flottant dans l’abîme de ses volontés propres
Il n’avait qu’une vie et s’en voulait une autre