20090210

Des colonnes de lit supportent le ciel

Le plateau est vide.
Une explosion, quelque part au loin.
Une attente.
Une épaisse fumée blanche envahit l’espace, rapidement dissipée par un souffle extérieur à l’action.
Elle est immobile.
Elle a le pouvoir de le précéder.
Chaussettes, caleçon, il entre.


-Lui : Me voici tel que je suis.

-Elle : Le voilà tel qu’il est.

Doigt pointé sur lui. Rires, gorges déployée, voix du ventre, depuis l’orchestre.
HAHA !

-Lui : Je n’ai plus rien, plus d’apparat. Je suis là, je suis là, je suis enfin.

-Elle : Enfin.

-Lui : Ici c’est l’aire nue.

-Elle : Ah oui ?

-Lui : Attrape. (il enlève ses chaussettes et les lui lance)

-Elle : C’est formidable.

-Lui : C’est bien comme ça non ?

-Elle : Formidable . (elle baille)

-Lui : C’est bien ici, c’est grand…

-Elle : Ma peau…je frissonne.

-Lui : C’est au choix : froid/désir.

-Elle : Il n’y a pas de choix, c’est comme c’est. (Talon claqué sur sol, mouvement de tête affirmatif)

-Lui (vexé, mais n’y prêtant plus attention): Regarde, j’ai mis toutes mes particules.

-Elle : Eblouissant. (petit rire discret étouffé dans sa main)

-Lui : Je suis moi désormais, je suis celui de tous ceux qui ont été, je suis le potentiel à être aussi, ma propre histoire, ma propre direction , je ralentis l’énonciation, c’est ma volonté, je tords mon visage à chaque mot, une sensation particulière à inscrire, et encore une, faire bien passer le message : c’est moi ici là.

-Elle : Montre moi quel monstre tu es.

-Lui : Des colonnes de lit supportent le ciel, tout passe au dessus de nous, dans un sens, puis dans l’autre.

Ils échangent leur position, se croisent au centre de la pièce, se frôlent sans se toucher.

-Elle : Regarde, un arbre.

-Lui : Oui, c’est un arbre.

-Elle : Je souffle sur ses branches. Regarde, il s’anime.

-Lui : Je le vois.

-Elle : Et ce souffle, d’où me vient-il ? Il me vient de l’idée même de souffle.

-Lui : Le souffle te précède.

-Elle : L’idée de ce souffle, je l’ai créée par ma volonté.

-Lui : Ce souffle était là bien avant nous.

-Elle : Assez. Je dessine une fleur.

-Lui : Nous ne sommes que les passeurs. Nous ne faisons rien, nous ne savons que répéter. Nous transcrivons nos pensées en fait, nos besoins en objets, nos idées en ustensiles, mais terre glaise et pulsatile, nos cellules nous informent : tu es matière.

-Elle : Elle prend vie.

-Lui : La matière crée l’idée.

-Elle : Je souffle sur ses pétales.

-Lui : Antérieur à la matière, ce corps subtil, prédisposition d’intention et de réalisation, qui existe de tout temps et jusqu’à la fin de tout, comme un étalage, une brocante du possible, où piocher ça et là les idées et thèmes récurrents et qui font fonction de condition d’être.

-Elle : Elle s’anime si l’intention est pure.

-Lui : C’est l’irruption de l’irréel dans le réel.

-Elle : C’est croire.

-Lui : C’est le flux, passé par tes doigts, issu de ton esprit, dicté par ta matière, engendré par l’idée, déterminé par l’essence. C’est le dessin qui prend vie, c’est l’intention, c’est sous la peau, lac immobile et sombre, et dessous les courants qui nous disposent. Des paquets d’intention pour en faire des bouquets.

-Elle : Des roses, des roses sur mon pallier.


-Lui : Travailler les peaux côté fleur, au couteau. Dessiner du réel.

-Elle : Quatre roses rouges épanouies, encore humides du matin, tiges coupées très court, un joli bouquet cerclé de fil de fer, c’est là, devant ma porte.

-Lui : Ca n’existe pas, ce n’est pas vrai. C’est vrai, ça existe.

-Elle : Qui va m’arroser ?

-Lui : Me voici tel que je suis.

-Elle : Le voilà tel qu’il est.

-Lui : Deux densités, une membrane, du végétal.

-Elle : C’est un monstre.

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